La protection sociale comme politique de développement: un nouveau programme d'action international

AutorFrançois Xavier Merrien
Páginas10-35
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LA PROTECTION SOCIALE COMME POLITIQUE DE
DÉVELOPPEMENT: un nouveau programme d’action international
SOCIAL PROTECTION AS A DEVELOPMENT POLICY: A new
international action program
François-Xavier Merrien
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RESUMÉ: Au tournant du millénaire, la protection sociale est devenue une nouvelle priorité pour les pays du Sud et
pour les politiques de développement. Cette élévation de l a protection sociale au nombre des instruments privilégiés
des politiques de développement marque un changement de paradigme fondamental par r apport aux décennies
antérieures. La protection sociale a longtemps été considérée comme un instrument peu approprié pour les pays en
développement. Toutefois, à la fin des années 1990, le désenchantement vis-à-vis des résultats des programmes
d’ajustement économique, la crise asiatique de 1997 de même que la prise de conscience renforcée des effets négatifs
de la pauvreté des nations et de la paupérisation des populations ont pour effet de modifier le paradigme dominant. La
protection sociale devient un instrument privilégié pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement.
La Banque mondiale élève la protection sociale au rang des in struments principaux des stratégies de réduction de la
pauvreté à l’échelon international (« gestion du risque social », social risk management). Le Department for
International Development du Royaume-Uni, associé à d’autres organisations, promeut un modèle axé sur les droits
des pauvres. Les programmes de protection sociale élaborés dans les pays du Sud, comme les pensions sociales au
Brésil et en Afrique du Sud ou les transferts conditionnels en espèces (TCE) au Mexique et au Brésil, deviennent des
programmes-modèles au niveau mondial. Cet article vise à analyser l’émergence de la protection sociale dans les
politiques de développement. Dans cette perspective, il analyse les différents types de programmes privilégiés par la
communauté internationale en s’intéressant plus particulièrement aux programmes de TCE. En conclusion, il cherche
à évaluer la pertinence relative des politiques de protection sociale pour les pays en développement.
MOTS-CLÉS: Protection sociale; Politique de séveloppement; Action international
TABLE DES MATIÈRES: 1 Introduction. 2 De la sécurité aux Programmes de filets de sécurité. Encadré 1 La
protection sociale en Afrique avant la mise en place des plans d’ajustement. 2 De la sécurité aux programmes de filets
de sécurité. 3 La protection sociale et les omd. 4 La redécouverte des innovations sociales dans les pays du sud:
transferts conditionnels en espèces et pensions sociales. 4.1 Les programmes de TCE. Encadré 2 Le ciblage des
destinataires des transferts sociaux. Encadré 3 Le programme de TCE Progresa au Mexique. 4.2 Les programmes
de pensions sociales. 5 La diffusion des programmes de protection sociale dans les pays em développemente: les limites
de l’appropriation. Encadré 4 Les nouvelles formes de la protection sociale en Chine. Encadré 5 La diffusion des
programmes de TCE en Afrique subsaharienne. 6 Conclusion. 7 Bibliography.
ABSTRACT: At the turn of the millennium, social protection has become a new priority for the South and for
development policies. This rise in social protection as one of the main instruments of development policies marks a
fundamental paradigm shift from previous decades. Social protection has long been considered an inappropriate
instrument for developing countries. However, in the late 1990s, disenchantment with the results of economic
adjustment programs, the 1997 Asian crisis, as well as the heightened awareness of the negative effects of national
poverty and impoverishment populations have the effect of ch anging the dominant paradigm. Social protection
becomes a privileged instrument for achieving th e Millennium Development Goals. The World Bank places social
protection among the main instruments of international poverty reduction strategies ("social risk management"). The
Artigo recebido em 17/09/2017
Artigo aprovado em 06/12/2017
1
François-Xavier Merrien é professor da Faculdade de Ciências Sociais e Políticas da Universidade de Lausanne.
RDRST, Brasília, Volume 3, n. 2, 2017, p 10-35, jul-dez/2017
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UK Department for International Development, together with other organizations, promotes a rights-based model for
the poor. Social protection programs developed in southern countries, such as social pensions in Brazil and South
Africa, or conditional cash transfers (CCTs) in Mexico and Brazil, are becoming global model programs. This article
aims to analyze the emergence of social protection in development policies. In this perspective, it analyzes the different
types of programs favored by the international community with a particular interest in TCE programs. In conclusion,
it seeks to assess the relative relevance of social protection policies for developing countries.
KEYWORDS: Social protection; Development policy; International Action
SUMMARY: 1 Introduction. 2 From safety to safety net programs. Box 1 - Social protection in Africa before
adjustment plans are put in place. 2 Security to safety net programs. 3 Social protection and the mgds. 4 Rediscovering
social innovations in the southern countries: conditional cash transfers and social pensions. 4.1 TCE programs. Box 2
- Targeting recipients of social transfers. Box 3 - The TCE Progresa Program in Mexico. 4.2 Social pension programs.
5 Dissemination of social protection programs in developing countries: the limits of ownership. Box 4 - New forms of
social protection in China. Box 5 - The diffusion of TCE programs in sub-Saharan Africa. 6 Conclusion. 7
Bibliography.
1 INTRODUCTION
Jusqu’au début des années 1990, la protection sociale constitue un thème marginal dans la
réflexion sur le développement. La raison principale tient à ce que ce thème est associé, soit à la
sécurité sociale des pays riches, soit à des programmes d’assurance sociale contributive destinés
aux salariés du secteur moderne. L’Organisation internationale du travail (OIT), principale
organisation internationale spécialisée dans ce domaine, poursuit ses efforts d’extension de la
couverture sociale aux salariés, mais ne prend pas en considération les populations du secteur
informel. L’idée d’étendre la sécurisociale non contributive aux populations non salariées est
jugée trop coûteuse et susceptible de renforcer la « culture de la pauvreté ». La période de
libéralisation économique des années 1980 porte encore plus loin la critique. La Banque mondiale
dénonce les programmes de protection sociale des travailleurs comme économiquement néfastes
et socialement injustes. Seuls sont légitimes les filets de sécurité (safety nets) minimaux réservés
aux populations les plus pauvres confrontées à des chocs sociaux.
Toutefois, à la fin des années 1990, le désenchantement vis-à-vis des résultats des
programmes d’ajustement économique, la crise asiatique de 1997 de même que la prise de
conscience renforcée des effets négatifs de la pauvreté des nations et de la paupérisation des
populations ont pour effet de modifier le paradigme dominant. La protection sociale devient un
outil privilégié pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). La
Banque mondiale élève la protection sociale au rang des instruments principaux des stratégies de
réduction de la pauvreté à l’échelon international (« gestion du risque social » ou social risk
management) (Banque mondiale, 2001). L’OIT prend l’initiative d’une campagne mondiale pour

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